Suuns – Felt

Depuis qu’on a découvert Suuns par hasard à Leeds, notre coeur frétille toujours à l’arrivée d’un nouvel album de ces canadiens torturés. Le 2 mars dernier, le groupe a sorti leur 4ème album, Felt. Album qu’on a dévoré jusqu’à ne plus en pouvoir, tellement c’était bon. En fait, on pourrait très bien s’arrêter là, mais la chronique manquerait de croquant. Pour un album aussi savoureux que Felt, ce serait dommage.

Felt, ce sont 11 morceaux aussi trippants qu’ils sont anxiogènes. C’est du pur Suuns avec un peu d’épices. La preuve avec Look no Further qui ouvre le bal. Le rythme sourd et la guitare limite arabisante habille parfaitement la voix étouffée de Ben Schemie. On se remet à peine de cette première mise en bouche royale que X-ALT nous ramène aux débuts de Suuns. Ce titre aurait très bien pu figurer sur le Zeroes QC, le premier excellent album du groupe. Il y a cette spirale si typique du groupe, ce rythme limite rave et puis cette trompette qu’on n’avait pas vu arriver. Ils ne cessent de nous surprendre et on en espérait pas moins de leur part d’ailleurs. Vient ensuite Watch you, watch me avec ses 6 minutes de cavalcade sous acide toujours aussi délicieuse. C’est sur Baseline que la voix de Ben Schemie surpasse enfin les instruments. C’est peut-être la première fois qu’on comprend à peu près ce qu’il chante pendant tout le morceau (c’est même la tendance principale de la suite de l’album).

Lorsqu’il s’agit de faire monter la sauce de façon subtile et sous-jacente, Suuns excelle. Control, avec ses différentes couches de sons et de voix en est un excellent exemple puisqu’on a l’impression qu’à ce stade de l’album, tout va imploser sans vraiment faire de bruit. Tandis que Daydream sature les enceintes et nous entraîne dans un rêve éveillé violent à souhait. Plus que 3 malheureux morceaux et l’album sera terminé. On n’en a pas envie tellement c’est bon. On aime se faire torturer par Suuns, c’est notre petit côté maso qu’on assume pleinement. La fin s’amorce sur Peace and Love et pour la 1ere fois, on a l’impression que les canadiens ont enfin trouvé la paix de l’esprit. Jusqu’à ce que les rayons de la lune (Moonbeams) viennent irradier le monde de Suuns et tout balayer sur son passage. Et ce n’est pas Materials qui va remettre un peu d’espoir dans cet univers planant.

Hold/Still était un album expérimental très fort et intense, ce qui le rendait un peu difficile d’accès pour les novices du son de Suuns. Avec Felt, c’est un peu l’inverse qui se produit : l’album s’écoute très facilement. Il s’immisce insidieusement dans notre esprit et avant même qu’on ne s’en rende compte, on est perdu. Mais attention, si l’album est plus accessible, cela ne veut pas dire que Suuns cède à la facilité. Non, avec Felt, le groupe continue d’expérimenter et de faire évoluer ce son si singulier qui est le leur, à mi-chemin entre suffocation musicale et synthétisme toxique.